M. Le docteur Papus, Président.
La parole est à notre bon et vieil ami, M. Synésius, Patriarche de l’Église gnostique de France, bien connu du monde des lettres.
M. Synésius, en gilet et en gants violets, l’anneau d’améthyste au doigt, s’exprime en ces termes Chères Sœurs et Bien Aimés Frères, Je n’ignore pas combien le programme du Congrès est chargé. N’attendez donc de moi que quelques brèves paroles. Il importe avant toutes choses d’établir nettement en quelle qualité je me trouve au milieu de vous. Je sais que le moi est toujours haïssable, mais il est des circonstances où la personnalité doit s’affirmer.
Jules Doinel, dont le nom mystique fut Valentin, missionné par les vouloirs d’En-Haut, pour rénover la Sainte Gnose m’a conféré le sacerdoce, conformément aux rites des Vieux Albigeois, et je vois parmi les membres les plus éminents de cette Assemblée ceux qui assistèrent mon regretté consécrateur dans cette pieuse cérémonie.
Je fus appelé ultérieurement par le Très Haut Synode à succéder à Jules Doinel, avec le titre de Patriarche de l’Église Gnostique de France et d’évêque de Montségur, en souvenir du lieu où nos frères les Cathares reçurent la Couronne du martyre. C’est donc par transmission directe, régulière et authentique que j’ai été investi des pouvoirs épiscopaux et du droit de conférer l’initiation gnostique et les sacrements de notre auguste religion. Toute reconstitution ecclésiale qui pourrait être tentée en dehors de nous serait ipso facto entachée de schisme et d’hérésie, je me fais un devoir sacré de le déclarer à ceux qui m’écoutent.
Ceci bien établi, je veux vous informer maintenant que nous possédons à Paris un oratoire où nos cérémonies cultuelles et nos initiations ont lieu d’une façon régulière. Mais je m’empresse d’ajouter que nos réunions ont un caractère absolument privé. On ne peut s’y rendre que sur invitation.
Nous nous sommes conformés à la Loi de Séparation. Notre déclaration a été faite en bonne et due forme et en temps opportun. Notre intention était alors d’avoir un temple ouvert à tous Mais avertis par l’exemple de l’abbé Vilatte nous avons clos notre seuil aux profanes. Dès lors que les offices catholiques romains sont les seuls qu’on ne trouble point et la police s’étant montrée impuissante à assurer l’ordre dans l’oratoire de la rue Legendre, nous n’avions pas d’autre parti à prendre. Lorsque des jours meilleurs viendront, notre église pourra rouvrir ses portes.
Je n’ai nulle intention de vous faire ici un complet exposé de doctrines.
Ces doctrines ont été présentées dans une série d’articles parus dans la Voie. Mais il est un de nos dogmes sur lesquels je veux insister.
C’est le dogme de la salvation féminine. L’œuvre du Père a été accomplie, celle du Fils également. Reste celle de l’Esprit qui seule peut déterminer le salut définitif de l’Humanité terrestre et préparer, par ainsi, la Reconstitution de l’Adam-Kadmon.
Or l’Esprit, le Paraclet, comme le nommaient les Cathares, correspond à ce qu’il y a de féminin dans la Divinité et nos Enseignements précisent que c’est la seule face de Dieu qui soit vraiment accessible à notre raison. La langue hébraïque elle-même désigne l’Esprit par le mot Ruach, qui est du genre féminin. J’en appelle à ce propos aux connaissances linguistiques de notre cher Président.
Quelle sera au juste la nature de ce nouveau et prochain messie ? Sera-ce une femme d’élite, spécialement missionnée pour cette œuvre salvatrice ? Sera-ce un groupe de femmes divines ?
Je ne saurais le dire, mais ce que je sais, ce que j’affirme hautement, c’est que c’est par l’éternel féminin que le monde sera sauvé.
Indépendamment du groupement parisien dont le chiffre grandit chaque jour, l’Église Gnostique a poussé un rameau très vivace en Bohème, avec Prague pour capitale diocésaine et notre cher et vénéré frère Jérôme pour patriarche, à qui j’envoie mon salut fraternel. Je veux parler également de la petite église de Belgique très active elle aussi. Que les Saints Éons la protègent et la bénissent.
Vous le voyez, chères sœurs et bien aimés frères, la moisson commence à blanchir à l’horizon. Et des jours viendront qui ne sont pas loin peut-être, où la petite Église d’aujourd’hui deviendra, avec la grâce du saint Plérôme, une grande Église !
L’Eglise Gnostique par Tau Synesius, discours prononcé au Congrès Spiritualiste de juin 1908
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