La Liturgie de l’Eglise Gnostique de Doinel Par Tau Héliogabale
L’Église était gouvernée par le Très Haut Synode qui consistait en un rassemblement de tous les évêques et sophias de l’Église. Le Très Haut Synode élisait le Patriarche en tant que président à vie et chef temporel du clergé et de l’église. Le chef spirituel de l’Église étant la Sophia céleste elle-même.
Le Patriarche était considéré comme « successeur de l’apôtre Jean » et avait tout pouvoir pour promulguer des décisions selon son seul accord, de suspendre ou de déposer les évêques, d’approuver ou d’annuler leurs élections, d’excommunier et de réconcilier les membres de l’Église, de créer des diocèses. Il signait du double Tau avant son nom mystique.
Chaque évêque était élu par un collège de fidèles et de diacres. Il choisissait son nom mystique auquel il ajoutait le Tau et le titre d’Electus Episcopus. L’évêque ne possédait l’entièreté de ses pouvoirs qu’après la consécration par le Patriarche qui avait lieu après que son élection ait été confirmée par le Haut Synode et le Patriarche lui-même. Un évêque et une sophia étaient, en couple, chargé de la direction d’un diocèse réunissant les différentes paroisses du lieu.
L’évêque ou la sophia ordonnait un diacre qui était en charge d’une congrégation de fidèles. Les principales cérémonies de l’Église étaient : le Consolamentum, l’Appareilamentum et la Fraction du Pain.
Le Consolamentum était le Baptême de l’Esprit, une initiation rituelle par laquelle les aspirants entraient en communion avec le Paraclet Gnostique. Il était basé sur une cérémonie Cathare originale.
L’Appareilamentum était le sacrement de confession et d’absolution conféré sur demande d’un pénitent qui avait reçu préalablement le Consolamentum. Cette cérémonie avait pour but d’entrer en communion plus étroite encore avec le Plérôme et était basé sur la cérémonie Cathare de confession publique.
La Fraction du Pain était la cérémonie régulière et l’office commun du culte de l’Église Gnostique.
La Fraction du Pain
L’évêque est revêtu de son étole violette, il porte des gants violets et l’Infula. Il porte également son anneau épiscopal à la main droite et le Tau Sacré autour du cou. Il se tient au milieu des diacres, derrière une table drapée de blanc sur laquelle sont posés deux chandeliers entre lesquels se trouve l’Évangile de Saint Jean ouvert à la première page.
Les Parfaits se mettent à genoux et reçoivent la bénédiction gnostique de l’évêque, qui est donnée avec les trois doigts symbolisant le Tau, ils chantent alors le cantique suivant :
Beati vos Eones
Vera vita vividi ;
Vos Emanationes
Pleromatis lucidi ;
Adeste visiones
Stolis albis candidi.
L’évêque récite alors le Notre Père en grec :
Pater hêmôn ho en tois ouranois :
Hagiasthêtô to onoma sou ;
Elthetô hê basileia sou ;
Genêthêtô to thelêma sou,
Hôs en ouranôi kai epi gês ;
Ton arton hêmôn ton epiousion dos hêmin sêmeron ;
Kai aphes hêmin ta opheilêmata hêmôn,
Hôs kai hêmeis aphêkamen tois opheiletais hêmôn ;
Kai mê eisenenkêis hêmas eis peirasmon,
Alla hrusai hêmas apo tou ponêrou.
Hoti sou estin hê basileia,
Kai hê dynamis, kai hê doxa,
Eis tous aiônas. Amên.
La congrégation répond : Amen. Le diacre présente alors le calice et le pain é l’évêque qui impose ses mains dessus et dit : « Eon Jesus, priusquam pateretur mystice, accepit panem et vinum in sanctas manus suas et, elevatis oculis ad coelum, fregit (il brise le pain), benedixit (il forme le Tau sur le calice et le pain) et dedis discipulis suis, dicens (l’assemblée se prosterne) : Accipite et manducate et bibite omnes ! » Élevant le pain, l’évêque dit : « Touto estin to soma pneumatikon tou Christou » ; il le repose sur la patène. Il élève alors le calice et dit :« Calix meus inebrians quam praeclarus est ! Calicem Salutaris accipiam et nomen Domini invocabo, touto estin to aima pneumatikon tou Christou ». Il s’agenouille. Enfin, il avale un morceau du corps spirituel de l’Eon Jésus et boit au calice le sang divin. Le pain et le vin sont alors offerts aux fidèles.
Ensuite, l’évêque retourne derrière la table et après une courte méditation, s’exclame « Puisse la grâce du Saint Plérôme être avec vous pour l’éternité ! »
L’office se termine alors par le chant suivant :
Salut, salut royaume
D’éternelle clarté.
Salut, salut Plérome
De la Divinité !
Abîme, ô mer immense
O- se meut la substance ;
Mystère de Silence,
D’Amour et de beauté !
L’évêque donne alors la bénédiction gnostique et se retire, escorté par les diacres qui portent les deux chandeliers.
Le Consolamentum
Au sein de l’Église Cathare médiévale, seuls les Parfaits étaient autorisés à prêcher et à réciter la prière admise, le Notre Père, que les Parfaits récitaient sans cesse, comme un mantra. N’étant pas purifiés, les Croyants étaient considérés comme ne pouvant s’adresser à Dieu par la formule « Notre Père ». Une année probatoire était imposée avant que le Croyant puisse prendre le Consolamentum, période durant laquelle le Candidat participait et était instruit de la doctrine cathare complète. La cérémonie se déroulait en prenant les vœux et par l’imposition des mains. Après avoir été rendu Parfait par la Consolamentum, le Parfait devait se tenir à un code de conduite très strict.
Si, de par ses faiblesses, le Parfait violait ses vœux, qui incluaient une chasteté absolue, alors l’état de grâce accordé par le Consolamentum était perdu pour le Parfait ainsi que pour tous ceux auxquels celui-ci avait accordé lui-même le Consolamentum. Les Parfaits qui doutaient de leur capacité à conserver leurs vœux pouvaient préserver leur état de grâce par un autre sacrement, l’Endura. L’Endura consistait en un suicide sacré, habituellement par un jeûne prolongé.
Afin de devenir Croyant au sein de l’Église Cathare, l’on devait promettre de prendre le Consolamentum à un moment de sa vie. Cependant, peu parmi les Cathares étaient aptes à tenir les obligations strictes qui y étaient attachées. Et les Croyants pouvaient remplir leur promesse en obtenant une version spécifique du Consolamentum sur leur lit de mort. Cette forme de Consolamentum était habituellement suivie par une Endura.
Le Consolamentum de l’Église de Doinel, bien que modelé suivant la cérémonie Cathare, différait sensiblement de par sa fonction et ses implications. Il ne conférait pas une garantie de salut et n’était pas considéré comme un pré requis au salut. Mais plutôt, il était considéré comme une initiation mystique pour les aspirants qui désiraient entrer symboliquement dans la communauté spirituelle et dans la communion du Paraclet Gnostique. De plus, le Consolamentum n’était pas précédé d’une période d’attente et comme ligne de séparation entre les Croyants et les Parfaits.
Voici une brève description à présent de la cérémonie de Consolamentum au sein de l’Église Gnostique de Doinel.
L’évêque est assis derrière la table recouverte d’une nappe blanche. Sur la table sont posés les Quatre Évangiles, ouverts, au milieu de deux candélabres. Les diacres sont assis de part et d’autre du Trône épiscopal. Les Parfaits sont alignés à la gauche de la table et les Parfaites à la droite. Chaque Parfait porte une écharpe blanche autour de la taille et chaque Parfaite une voile blanc sur la tête et le visage. Ceux qui doivent recevoir le sacrement se tiennent sur leurs genoux au premier rang, des cierges dans leurs mains.
L’assemblée se lève à l’entrée de l’évêque et chante le « Beati vos eones ». Les diacres lisent les premiers versets du Quatrième Évangile, d’abord en grec puis en français.
« En arkhêi ên ho logos, kai ho logos ên pros ton theon, kai theos ên ho logos. Houtos ên en arkhêi pros ton theon. Panta di autou egeneto, kai khôris autou egeneto oude hen ho gegonen. En autôi zôê ên, kai hê zôê ên to phôs tôn anthrôpôn ; kai to phôs en têi skotiai phainei, kai hê skotia auto ou katelaben. »
« 1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue ».
L’évêque délivre l’homélie, ensuite le chœur entonne le Pater Noster auquel l’assemblée répond par un « Amen ». Les diacres élèvent les deux candélabres de la table et se tiennent aux côtés de l’évêque alors que celui-ci ôte ses gants et s’approche des fidèles qui doivent recevoir le Consolamentum. Ceux-ci ont déposé leur bougie et se tiennent sur leurs genoux, leurs mains jointes. Les femmes relèvent leur voile. L’évêque impose ses mains successivement sur la tête de chaque Consolé et dit : « Memor esto verbi tui servo (servae) tuo (tuae), in qui mihi spem dedisti Haec me consolata est in humilitate mea ». Le Consolé répond « Amen ». L’évêque l’embrasse sur le front et dit : « Osculetur me osculo oris sui ».
Lorsque l’évêque est retourné à sa place sur le trône, le chœur chante alors le cantique du Consolamentum :
Consolemini !
Consolemini !
Popule meus.
Consoletur me misericordia tua !
Eructabunt labia mea hymnum.
Concupivi salutare tuum.
Attolite portas, Eones, vestras ;
Et elevamini portae Pleromatis !
Consoletur me misericordia tua !
Amen.
L’évêque se lève, l’assemblée s’agenouille, les diacres élèvent les candélabres ; l’évêque donne la Bénédiction Gnostique et dit : « Consoletur vos Sanctissimum Pleroma, Eon Christos, Eon Sophia et Eon Pneuma Hagion ! » Le Chœur répond : Amen. Alors que l’évêque se retire, le choeur chante :
Domina, salvam fac Ecclesiam et exaudi nos in die qua invocaverimus te.
Domina, salvum fac patriarcam nostrum Valentinum et exaudi etc.
Domina, salvos fac episcopos et exaudi etc.
L’Appareillamentum
Voici à présent une brève description de l’Appareillamentum de l’Église Gnostique de Doinel.
Le candidat adresse sa demande au Patriarche selon la formule suivante : « N. prie Sa Grâce le Patriarche se lui accorder le Saint Appareillamentum ». La demande est soumise et approuvée par l’évêque ou la sophia du diocèse. Le Patriarche informe alors l’évêque du jour où il pourra recevoir le demandeur dans la chapelle. Le demandeur est présenté vêtu de noir, tête nue, et les mains attachées par une bandelette blanche. Il s’agenouille devant le Patriarche qui est assis et vêtu du Pallium et il dit : « Je viens ici, devant Pneuma Hagion afin de ma déclarer coupable et déchu, telle notre Mère Sophia Achamoth ; je renonce aux œuvres du Démiurge et je demande pardon aux Saints Éons par devers Vous, Votre Grâce ».
Le Patriarche étend ses mains sur la tête du pénitent et dit : « Remittuntur tibi peccata tua, quae sunt peccata mundi. Amen ». Ensuite, il impose le côté droit du Pallium sur la tête du fidèle et dit : « Notre Dame Sophia, Notre Dame du Saint-Esprit, Notre Dame Hédoné, souviens-Toi de Ton serviteur qui renonce au Démiurge par ses pensées et ses œuvres. Accorde-lui un Eon Protecteur qui ne le quitte plus jamais. Amen ».
Le Patriarche prend alors les deux mains liées du pénitent et parle brièvement avec lui en privé. Il délie alors le pénitent et dit : « Les Éons délient dans le Plérôme ce que je délie en ce monde du Kénôme et du Vide. Par Hélène Ennoia, par Hédoné, par Sophia vous êtes assisté et elles sont avec vous. Recevez le baiser mystique ». Il embrasse le pénitent sur le front par deux baisers en forme de Tau. Le pénitent, agenouillé et à demi prosterné, récite les premiers versets du Quatrième Évangile, il se lève et dit : « Dieu est Amour ». Il s’incline devant Sa Grâce et s’en va en silence. Resté seul, le Patriarche dit une Adoration d’un quart d’heure.
La Consécration d’un Évêque
La consécration d’un évêque prend place en présence de l’assemblée des Parfaits et des Parfaites. Le Patriarche, assisté de deux évêques consécrateurs, pose au candidat évêque ces questions :
1. Croyez-vous en la Très Sainte Gnose ?
2. Acceptez-vous les deux doctrines fondamentales de la Très Sainte Gnose : l’émanation et le salut par la Connaissance?
3. Acceptez-vous l’Élection et les charges qui en découlent ?
Après avoir répondu affirmativement à ces questions, le candidat évêque prend place sur un siège faisant face au trône du Patriarche, alors que les diacres allument deux chandeliers avec des bougies blanches. Le Patriarche et les deux évêques consécrateurs se retirent précédés de deux diacres portant un Double Tau.
Le candidat évêque médite et prie mentalement alors que le diacre ouvre le livre du Quatrième Évangile et arrange le sel, l’huile et les accessoires sur la table. Le chœur, accompagné par un orgue, chante le psaume valentinien « Dixit Dominus Dominae meae, sede a dextris meis ».
Les consécrateurs reviennent alors, et le candidat évêque s’agenouille devant le patriarche qui délivre l’oraison : « Domine-Domina, Dea-Deus, benedicere digneris huic electo episcopo N. et gregi quae ei committitur. Per Helenam Dominam Nostram Amen ». Le premier assistant-évêque récite le Notre Père en grec et le second l’Évangile Gnostique.
Les trois consécrateurs s’approchent du candidat évêque et chacun à leur tour imposent leurs mains sur lui, disant : « Electe episcope N. ego, auctoritate Eonum, te sacro, te consacro, te creo et te confirmo episcopum N. (nom du siège épiscopal) ». Ils l’embrassent, ils l’oignent avec l’huile consacrée par le signe du Tau sur la tête en disant « Plérôma te santificet » ; sur les lèvres en disant « Plérôma te amplificet » et sur le cœur en disant « Plérôma te magnificet ». Ils laissent tomber quelques grains de sel sur sa langue en disant : « Vos estis sal terrae. Quod si sal evanuerit, in quo salietur ? » Ils placent une chandelle à sa droite en disant : « Vos estis lumen mundi ». Ils lui présentent une coupe d’eau et disent : « Vos estis aquae salientis in vitam aeternam ».
Après cela, les consécrateurs retournent sur leur siège et le candidat évêque vient s’agenouiller devant le Patriarche. Il place ses mains dans les siennes afin de prendre les vœux : « Je jure entre les mains de Votre Grâce et de Votre Seigneurie par le Nom craint du Saint Plérôme, de remplir fidèlement ma charge d’évêque de N. Pour cela, que Sophia et les Éons me viennent en aide ! » Tous ceux présents répondent : « Sic ! Amen ! ».
Le Patriarche bénit et confère alors à l’évêque consacré ses insignes épiscopaux : le Tau, les gants violets, l’Infula et l’anneau épiscopal. Enfin, il donne l’homélie et la Bénédiction du Patriarche et présente le nouvel évêque aux Parfaits et Parfaites en déclarant : « Je proclame N. évêque de N. ». L’assemblée répond « Fiat Fiat ! ».
Les fidèles s’agenouillent et reçoivent la bénédiction du nouvel évêque et ils viennent tous embrasser son anneau.
La Liturgie de l’Eglise Gnostique de Doinel, par +Tau Héliogabale, Nadir d’Arlon, Oratoire d’Arlon, juillet 2004 e.v.
Image par Marek Studzinski de Pixabay
Bien le bonsoir,
J’ai été très touché par ce que vous avez transmis récemment, à savoir la liturgie gnostique de Doinel. Frappant, car je me suis demandé aujourd’hui même si l’on pouvait se procurer des litugies gnostiques. Frappant car j’ai sentis dans cette liturgie, le son grec qui me porte à coeur si bien dans sa tradition païenne que dans son chant byzantin. J’aurais aimé vous poser quelques questions. A savoir, si l’Eglise (l’EGCA ?)que vous représentez se rattache à l’EGA d’Ambelain, ou si elle a des liens avec l’EGU. Bref, je ne connais pas tous les détails. Mais si vous pouviez me faire part de la filiation apostolique en quelques lignes…Voir des liens qu’elle établirait avec certains courants initiatiques comme l’OTO ou le martinisme…En espérant une réponse de votre part,
Bien à vous,
Morgan ([email protected])
Pouvez-vous me donner la traduction de la formule, rencontrée sur votre site, prononcée par l’évêque, car mon latin est loin …
L’évêque l’embrasse sur le front et dit : « Osculetur me osculo oris sui ».
Un vif merci. Signé : J D Paris